Qu'est-ce que le TDAH ?

Le diagnostic de TDAH 

Si l'on en croit les articles qui tapissent la toile, le Trouble Dysfonctionnel de l'Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH)  est à la fois simple et compliqué, il est défini par la présence de trois types de symptômes (inattention, agitation et impulsivité) chez un enfant ou adolescent pendant une période continue de plus de six mois.

Prenons le temps de réfléchir à cette description sommaire et de nous interroger sur sa puissance diagnostique lorsque nous l'appliquons à la réalité, au quotidien de nos enfants et de nos adolescents dans l’école française du XXIe siècle.

L'inattention est un symptôme que tout le monde peut expérimenter au cours de sa vie, pour peu que l'on soit fatigué, préoccupé, atteint d'une maladie qui perturbe le sommeil ou le fonctionnement de notre organisme... Ce critère, dont tous les experts s'accordent à dire qu'il est l'un des plus importants dans la triade clinique du TDAH, est donc nécessaire mais pas suffisant pour poser ce diagnostic. Pourtant, certains parents se voient encore, trop souvent, proposer un traitement par ritaline en montrant un résultat de test attentionnel au médecin qu'ils consultent (courage : fuyez...).

L'agitation est un symptôme difficile à quantifier et donc à évaluer. Tout d'abord, nous ne disposons pas d'échelles d'évaluation de l'agitation pathologique chez un enfant en fonction de son âge et de son sexe (les filles le sont moins que les garçons nous dit-on). Ensuite, il s'agit d'un symptôme inconstant et donc trompeur. Nombres d'enfants dit hyperactifs sont très calme lors du premier rendez-vous chez le pédopsychiatre, au grand embarras des parents qui ont peur d'être affublés du pseudonyme de "mytho". Revenons d'ailleurs sur ce fameux mythe de l'enfant qui grimpe aux rideaux (souhaitons lui bonne chance au passage car bon nombre de tringles à rideaux n'y résisteraient pas), dans ma consultation je reçois seulement un à deux patients par mois qui soient aussi agités. En effet, la plupart ont une agitation très modérée, comme le syndrome de la jambe folle (celle qui remue en permanence et pousse certains parents à délicatement poser la main sur la cuisse de leur chérubin en lui demandant d'arrêter environ 200 fois par jour). Avez-vous déjà observé des enfants en bas âge lorsque l'heure du coucher approche ? Ils sont agités, difficiles à tenir, à cadrer, c'est le meilleur signal pour nous faire comprendre qu'il est temps qu'ils aillent se coucher. Car l'agitation résulte bien souvent d'une commande que le cerveau fatigué envoie au corps pour se stimuler : "il faut bouger, sinon je vais m'endormir".

L’agitation est un moyen d’adaptation qui permet au cerveau de rester éveillé, de se stimuler.

L'impulsivité a différents visages, il peut s'agir d'une impulsivité alimentaire (avoir les yeux plus gros que le ventre), cognitive (répondre après avoir entendu ou lu la moitié de la question) ou comportementale (s'énerver vite pour un petit rien, de façon disproportionnée). L'impulsivité fait parfois partie du caractère d'une personne, ceux que l'on appelle les sanguins.

Le modèle du TDAH est en fait assez simple : l'effort d'attention est coûteux en énergie, plus que pour une autre personne, aussi la personne TDAH fatigue et s'agite pour maintenir un était d'éveil cérébral satisfaisant. Lorsque ses capacités cognitives sont ainsi mises à mal par l'effort important d'attention, elle a des difficultés à se contrôler en cas de frustration et réagit de façon disproportionnée.

Pourquoi le jeune atteint de trouble dysfonctionnel de l'attention avec ou sans hyperactivité fatigue ainsi lorsqu'un effort de concentration lui est demandé ? Tout simplement parce que son cerveau est ainsi programmé : il est plus à l'aise dans les tâches rapides et superficielles. Pensez aux smartphones actuels : leur écran d'accueil est truffé de notifications (nouvelles, météo, Facebook, email, Instagram, Twitter, SMS etc...), nous pouvons les faire disparaitre d'un glissement de doigt ou y accéder (si elles nous intéressent) d’un simple tapotement de l'écran. Le cerveau TDAH est très à l'aise dans ce mode de fonctionnement et ces adolescents ont d'ailleurs très souvent une forte appétence pour les écrans. Seulement, le fonctionnement de l'école est tout autre, le travail qui leur est proposé l'est sous forme de longues séquences de 50 ou 55 minutes passées à "explorer" un sujet. Outre le fait que ce format soit inadapté, car trop long y compris pour un jeune ne souffrant pas de TDAH, il leur est ensuite demandé de passer rapidement d’une leçon à une autre. Le dysfonctionnement de l’attention n’est pas un déficit, car l’on peut se concentrer avec un TDAH, mais une mauvaise gestion des ressources attentionnelles : rester concentré est plus coûteux en énergie, ne pas se laisser distraire également, le démarrage de ce genre de tâche (et donc passer de l’une à une autre) l’est tout autant.

Le jeune TDAH est « programmé » pour des tâches rapides, il traite donc l’information de manière superficielle. 

En fait, un dysfonctionnement de l’attention a pour effet de coûter de l’énergie lorsque l’enfant ou l’adolescent TDAH doit effectuer les mêmes tâches scolaires que ses pairs, d’où la fatigabilité que nous constatons fréquemment chez eux.  C’est là que réside toute la subtilité qui doit permettre de distinguer le TDAH d’une autre cause de manque d’attention : il a du mal à rester concentré car cela le fatigue et non du mal à le faire car il est fatigué. Car n’importe quelle personne fatiguée peut présenter les mêmes symptômes d’inattention que celles chez qui est diagnostiqué un TDAH. Et une personne fatiguée gère moins bien ses émotions que lorsqu’elle est en pleine forme, ses réactions sont plus impulsives. De fait, se contenter de la présence de ces symptômes pendant une durée de six mois pour poser le diagnostic de TDAH, est assez léger. Le poser sur la foi d’un test d’attention, qui n’est autre qu’un état des lieux à un instant « t », est une ineptie. Quelle durée est-il alors raisonnable d’attendre avant de poser ce diagnostic me demanderez-vous ? Une période de deux ans est tout à fait raisonnable, elle permet de constater la constance de ces difficultés et d’écarter un certain nombres de causes psychologiques potentielles.

Le TDAH entraîne une fatigabilité, ce n’est pas la fatigue qui cause un TDAH mais elle peut en donner tous les symptômes.

Si je prends ma pratique pour exemple, la grande majorité des consultants se présentent après avoir souffert de ces symptômes pendant une durée supérieure à deux ans. Bien entendu, pour ceux présentant ces difficultés depuis moins de deux ans, il n’est pas interdit d’agir et de leur proposer diverses aides (aménagements scolaires notamment). 

J’aimerais maintenant évoquer le symptôme majeur du TDAH, celui qui est présent chez une très large majorité des jeunes atteints de ce trouble et dont l’absence me fera douter du diagnostic : le dysfonctionnement exécutif, que je résume parfois (très mal) en parlant de difficultés d’organisation. Nous regroupons sous le terme de fonctions exécutives certaines fonctions cérébrales élaborées (gestion de l’attention, de la mémoire de travail, planification des tâches…) mais aussi leur utilisation cohérente, la manière dont elles s’organisent entre elles pour rendre leur fonctionnement le plus fluide possible. Lorsque les fonctions exécutives sont atteintes, le symptôme le plus visible est le manque d’organisation, la difficulté à planifier, à utiliser sa mémoire de travail de façon efficace, à changer de stratégie, utiliser ce qui a été appris la veille dans un contexte différent. Ainsi, l’enfant TDAH a parfois bien du mal à « automatiser », s’approprier la routine du matin (toilette, habillage, petit-déjeuner, brossage de dents…) et il faut constamment être derrière lui alors que ses camarades se préparent seuls. Il apprend que Napoléon Bonaparte a été défait par les anglais lors de la bataille de Waterloo après la désastreuse retraite de Russie mais ne peut répondre à la question « sur quels fronts Napoléon devait-il se battre ? ». Il est conscient d’oublier régulièrement son carnet de correspondance mais ne prend pas l’habitude de le ranger dans son cartable dès qu’il n’en a plus besoin. Il a ce que nous appelons des difficultés d’initiation de la tâche : petit il se plaint d’ennui et attend que ses parents lui proposent des activités (certains parents se disent épuisés), plus tard ils tuent leur ennui dans leur lit, un écran à la main. La difficulté d’initiation se traduit également par une lenteur à la mise en route lors des tâches scolaires, comme cet élève qui termine ses évaluations en retard parce qu’il a démarré après que la maîtresse vienne l’aider à se lancer, ou cet adolescent qui travaille uniquement avec quelqu’un à ses côtés.

En somme, l’enfant ou l’adolescent TDAH manque cruellement d’organisation, a du mal à prendre des initiatives, à se lancer dans les tâches (je les appelle des diesel) et a bien du mal à restituer ses apprentissages. C’est d’ailleurs là que le bât blesse : toutes ces mauvaises notes, qui plombent leurs estime de soi, résultent souvent plus de la difficulté à les évaluer que d’un manque de connaissance…

Le TDAH est donc un trouble, non une maladie, dont l’on ne guérit pas puisque plus que d’une pathologie il s’agit d’un mode de fonctionnement qui ne se prête pas au format d’apprentissage qui lui est proposé aujourd’hui. Il est grand temps d’organiser une réflexion sur de que nous pourrions/devrions leur proposer.

 

Louis Vera